Les états généraux en France

LES ÉTATS GÉNÉRAUX EN FRANCE. 861

conditions un peuple peut se gouverner lui-même ; comment il doit S'y prendre pour être tranquille sans cesser d'être libre. Il semble que, SOUS un nom ou sous un autre, il nous faille toujours quelque César qui mène la plèbe et qui règne par elle.

On peut croire qu’en mettant au concours, sous l'Empire antoritaire, l'histoire de nos États Généraux et l'étude de leur influence sur le gouvernement de notre pays, l’Académie des science morales et politiques s’est proposé un autre but que celui de distribuer des couronnes. Elle a voulu sans doute contribuer, autant qu’il était en elle, à nous faire donner d’utiles leçons. Elle a voulu retremper nos cœurs et arrêter, par de virils enseignements, les défaillances de l'esprit libéral, défaillances excusables chez plusieurs, mais qui, chez d’autres, se traduisaient alors par des apostasies d'autant plus scandaleuses qu’elles étaient moins désintéressées.

La preuve, au reste, que l’Académie a bien fait de choisir ce sujet d'étude, c’est que, même après la guerre et nos désastres, après l'invasion venue du dehors, après la Commune organisée et momentanément triomphante au dedans, après la perte de nos chères provinces, nous ne sommes pas corrigés au point que les leçons de l'histoire aient cessé de nous être nécessaires. Aujourd'hui comme hier, nous avons besoin d’être mis en garde contre les courants divers qui, de l'extrême souplesse nous portent à l’extrême opposition, contre le double écueil que, de son temps, signalait déjà Tacite, et qui s’appelle l'esprit de basse servilité et l’esprit d’arrogante rébellion. Quand donc aurons-nous fini d’osciller de l’un à l’autre? Ne saurions-nous jamais, au sortir de l'insurrection, nous reposer que dans la servitude? et serait-il vrai qu’en dehors de l’abdication de tous droits, à laquelle correspond d'ordinaire Poubli de tout devoir, il n’y ait de centre de gravité pour aucune des nations latines ? les Anglo-Saxons seraient-ils à ce point favorisés de la Providence, qu’à eux seuls, en Europe, appartienne, comme on le prétend, le privilège de pouvoir se gouverner eux-mêmes?

Poser la question, c’est la résoudre : philosophiquement, il est absurde, et, chrétiennement, il est condamnable de supposer que Dieu ait divisé le genre humain en deux grandes classes; qu'il ait doté l'une et privé l’autre des aptitudes nécessaires pour jouir des bienfaits de la liberté politique; qu’il ait établi entre les deux des barrières que ni l’une ni l'autre ne saurait franchir. Plutôt.que de nous croire atteints d’une incurable infirmité, cherchons à nous rendre compte des motifs pour lesquels la France a plusieurs fois touché, sans l’atteindre, le but auquel sont arrivées d’autres nations plus heureuses qu’elle en ce qui regarde le libre jeu et aussi la Stabilité de leur gouvernement. Rien n’est plus propre à nous éclairer là-dessus