Les états généraux en France

862 LES ÉTATS GÉNÉRAUX EN FRANCE.

qu’une étude attentive de l’histoire de nos États Généraux. De tous les guides auxquels, pour entreprendre cette étude, nous puissions nous confier, M. Picot est le plus sûr; c’est lui qui, actuellement, marche en têle : après le rapport de l’Académie, nul ne saurait lui contester ce rang, ni lui refuser cet honneur.

À ceux qui voudront lire avec fruit l'Histoire des États Généraux * de M. Picot, nous nous permetlrons de donner un conseil : qu'ils relisent en même temps l'Ancien régime et la Révolution, de M. de Tocqueville. Rien ne nous semble plus instructif que le rapprochement de ces deux ouvrages, si peu pareils et cependant si bien faits pour se compléter l'un lautre et pour nous amener à des conclusions identiques. Autre ést la route par laquelle nous conduisent les deux auteurs, mais le point d’arrivée est le même. S'il était permis, sans s’exposer à être trivial, de comparer la nourriture de l'esprit à celle du corps, nous dirions qu’en lisant Tocqueville, 1 semble qu'on se nourrit de moelle. C'est le suc du passé, c'est la quintessence de notre philosophie politique, c'est le résumé concret de notre histoire. Quand on ouvre ce volume si substantiel, où les conclusions débordent constamment le récit des faits ; quand on médite sur quelqu’une de ces pages dont chacune fournirait matière à un livre, on n’est pas surpris de ce que dit l’auteur : que tel ou tel de ses chapitres, même court, lui a coûté plus d'une année de recherches. Bien différente est la facture et tout autre est le mérite des quatre volumes de M. Picot. Il a compris qu'on ne refait pas Tocqueville : il a le bon goût de n’y point prétendre ; il sait d'ailleurs que la tâche de l'historien n’est pas celle de l’homme politique, quoique celui-ci reste incomplet s’il ne s'appuie sur celui-là. Ghacune des dignes de Tocqueville est une conclusion. M. Picot procède autrement ; il s'attache surtout à nous raconter les choses qu’un labeur consciencieux lui a fait découvrir dans la poussière de nos annales. Lui aussi, on le voit, est un esprit libéral et un vigoureux penseur; mais dans son livre il se montre surtout savant architecte : il démonte d’abord par pièces et morceaux, et puis il rassemble sous nos yeux toute la charpente de notre histoire de France. Il le fait avec une telle précision, que ceux-là même qui ne sont pas du métier y voient clair, et qu'avec lui, depuis le règne de Jean le Bon jusqu’à celui de Louis XIII, on sé promène avec aisance à travers les cahiers des trois ordres, les remontrances de nos États Généraux et les ordonnances de

1 À Ja librairie Hachette : 4 volumes grand in-8°. — Paris, 1872. Depuis qu'il à paru, cet ouvrage, déjà couronné par l'Académie des sciences morales et politiques, a obtenu une nouvelle marque de distinction. C’est à M. Picot que l'Académie française a, pour son Histoire des Etats Généraux, décerné le prix Gobert de cette année.