Les états généraux en France

LES ÉTATS GÉNÉRAUX EN FRANCE. 863

nos rois. Il arrivé même aux profanes, qui jusqu'alors avaient à peine dépassé le parvis, de s'apercevoir seulement après coup qu'à la suite de M. Picot, ils viennent pour la première fois de pénétrer jusqu’au sanctuaire : plus d’un d’entre eux ferme le livre avec l'amour-propre satisfait d'un homme qui se dit qu’il savait tout cela et auquel la réflexion, venant en aide, découvre tout ce qu'il vient seulement d'apprendre. C'est qu'ici tout s’enchaîne ; tout ‘est mis à notre portée; tout est rendu clair, non-seulement par le talent d'exposition de l’auteur, mais par la méthode, par la division savante et simple — simple parce qu’elle est savante — qu'il a adoptée, et aussi par l'aspect matériel de ces quaire beaux volumes, d'un bout à l’autre desquels des sommaires courts el précis, aCCompagnés de notes marginales, nous guident comme un fil sûr et non interrompu.

Ce qui frappe tout d’abord, pour peu qu’on étudie l'histoire de France, c’est la fausseté d'une opinion qui à cours, opinion que l'ignorance accrédite et que là mauvaise foi exploite. N'est-il pas reçu, et en pleine lumière du dix-neuvième siècle achevant sa course, n’entendons-nous pas répéter chaque jour que « les rois, les nobles et les prêtres » se sont entendus de tout temps pour opprimer « le pauvre peuple? » N'est-ce pas avec cette histoire-là qu'on nous a bercés dans notre enfance? n’est-ce point avec cela qu'on à mené notre jeunesse en classes, notre âge mûr au scrulin, et qu’on égare encore, en l'irritant, le suffrage universel? À entendre certains professeurs, plus frottés de préjugés que de science, la dime, la corvée, le droit du seigneur, tout ce qu'aux jours de colère on appelle la féodalité sans rien savoir, d’ailleurs, de ce que ce mot exprime, tout cela n'aurait jamais fait qu'un avec la monarchie traditionnelle.

IL suffit cependant d'ouvrir un livre d'histoire pour reconnaître que noblesse et royauté font deux, et que même, longtemps avant ja révolution française, l’une de ces deux institutions avait entrepris de détruire l’autre. On est dans le vrai quand on se borne à dire que ni tous les rois, ni tous les nobles, ni tous les prêtres, n'ont pas toujours fait ce que leur dictait le devoir; mais on est absolument dans le faux lorsqu'on s’en va partout répétant que prèlres, nobles et rois ont toujours marché d'accord ; qu’ils ont fait le pacte de travailler à écraser ensemble la bourgeoisie et le menu peuple. Rien n’est plus contraire à la vérilé. Non-seulement ces trois puissances, lorsqu'elles existaient chez nous à l’état de puissances, sont fréquemment en brouille l’une avec l’autre ; maïs dans le sein des deux ordres privilégiés et chez la royauté elle-même, que de divisions et de manque d'esprit de suite! On peut dire que, dans toute notre histoire, iln’y a que le tiers état qui se tienne; c'est même pour cela qu'il a réussi.