Les fêtes et les chants de la révolution française

QUATRE-VINGT-DOUZE. FA

Au beau milieu de la cérémonie, tandis que les musiciens de la garde nationale, rangés sur les marches de l'autel de la Patrie, jouaient la Marche des morts et que le cortège défilait à leurs pieds, la pluie vint à tomber, une de ces averses parisiennes fréquentes au printemps. Aussitôt, la foule de se disperser. Mais, la régularité des groupes étant rompue, l'orchestre, pour redonner du cœur aux assistants mouillés, inlerrompit ses accords funèbres et entonna le Ça ira, à la grande joie des gens du peuple, qui se mirent à danser sous l’ondée. L'orage ayant cessé, « aussitôt on a repris l’attitude religieuse ».

La musique ne fut pas sans subir le contre-coup de ces-querelles. Celle de la garde nationale y fut mêlée, et y trouva l’occasion de donner les preuves d’un civisme dont les événements lui permirent de tirer plus tard avantage et honneur.

L'année suivante, en effet, le jour même où l'École de musique de la garde nationale, présentée à la Convention par la municipalité de Paris, devint l'Institut national de musique (18 brumaire an Il), son chef vint rappeler à l’Assemblée, bien disposée pour ouir de telles confidences, les incidents de 1792. Il raconta les persécutions de l'état-major opposé à ce que les musiciens se rendissent en corps à la fête de Châteauvieux : ils y voulurent aller pourtant, mais ne purent figurer qu’en tenue civile, « en habits de couleur ». Étant de garde aux Tuileries, ils refusaient toujours de jouer à la parade autre chose que des « airs patriotiques », malgré les ordres réitérés de La Fayette, qui alla jusqu'à les menacer de l'Abbaye! Un jour, celui-ci se trouvant en la compagnie du roi à la porte du palais, les engagea à jouer : « Où peut-on être