Les fêtes et les chants de la révolution française

- QUATRE-VINGT-TREIZE. 109 simple spectateur. Tout, on l’a vu, se passa en figuration, une figuration assez mesquine. Malgré tous les efforts pour réchauffer le zèle, l’ensemble resta guindé. La fête de la Raison, à quelque point de vue qu'on se place. fut la moins louable de toutes les fêtes de la Révolution. Au reste, on en a, suivant l’usage, méconnu le véritable esprit quand on lui a fait le reproche d'indécence. Peut-être les cortèges qui se déployèrent dans les rues pendant tout le jour laissèrent-ils quelque chose à redire à cet égard ; mais rien n’autorise à prétendre que la cérémonie de Notre-Dame se soit passée incorrectement. Je croirais au contraire qu’elle pêcha par excès de sévérité, et fut principalement maussade.

Cependant, l'idée même d'une religion philosophique répondait à un état d'esprit si général à la fin du xvur siècle, que, malgré ce début peu favorable, l'idée de célébrer la fête de la Raison fit rapidement son chemin, dans les provinces aussi bien qu'à Paris. Dans ce culte, dont le symbole, au lieu d’être une statue inerte, était représenté par une femme vivante, on comprit facilement qu'il s'agissait d'une religion purement humaine. Si l'actrice qui s'était exhibée pour la première fois dans le temple dédié désormais « A la Raison » n’était pas digne de cet honneur, il était facile de trouver d’autres femmes pour recevoir les hommages des adorateurs de l’idée. Une décade après la fête de Notre-Dame, il y en eut une autre à Saint-Sulpice, que le libraire Momoro, membre du Département, annonça la veille dans les Révolutions de Paris, en disant que, pour représenter la Raison, il faut « offrir aux yeux du peuple une femme dont la conduite rende la beauté respectable » ; et ce fut Mme Momoro ellemême qui, première déesse Raison, donna, devant les