Les fêtes et les chants de la révolution française

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. QUATRE-VINGT-TREIZE. 145

veux citer un, type curieux d'artiste révolutionnaire : Giroust, qui, musicien à Versailles, dirigeait les symphonies d'Haydn au petit lever du roi. Lui qui avait composé autrefois une grande abondance de musique religieuse, il se résout maintenant à faire chanter son Hymne à la Raison dans une station des Versaillais devant le buste de Marat : précédemment il avait écrit l'Apothéose de Marat et Lepellelier. Cela ne pouvait suffire à sauver cette épave de l’ancien régime : devenu concierge du palais de Versailles, il mourut misérable en l'an VII, et sa veuve, dame Marie-Françoise de Beaumont d’Avantois, n’eut d'autre ressource que de solliciter la survivance de son ultime et si modeste fonction!

L'auteur du chant national, mis en prison comme suspect, profita de ses loisirs pour écrire, lui aussi, un Hymne à la Raison. Il eut pour cette œuvre des soins que l’on n’a pas toujours pour des productions d'actualité : plusieurs années plus tard, nous le voyons en conférer encore avec Méhul et lui demander son aide pour la notation de l'accompagnement. L'influence de Méhul est manifeste sur Ia mélodie même : la musique de l'Hymne à la Raison de Rouget de Lisle, loin d’avoir l'entraînement de la Marseillaise, est écrite en un style classique, très soutenu, avec une expression calme et sévère qui fait songer à cerlaines inspirations, même postérieures, de l’auteur de Joseph.

Enfin, il y avait en ce temps-là un garçon de dix-huit ans, joli comme une jolie fille, timide non moins, mais prédestiné à chanter bientôt l'humeur aimable et les galantes conquêtes des chevaliers français. Il habitait Rouen. Dans la décade même où la Raison fut divinisée à Paris, le 11 brumaire, le théâtre des Arts représenta son premier essai d’opéra-comique, la Fille coupable; les journaux de la localité l’appelèrent « jeune élève des