Les fêtes et les chants de la révolution française

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LA FÊTE DE LA FÉDÉRATION. 57

parmi ce peuple animé d'action et dont l'enthousiasme voulait être exprimé avec plus d’ardeur. Donc, tout en restant, d’une façon générale, dans le style du plainchant (plutôt français que grégorien), Gossec écrit une œuvre d'une forme ample, où l'unisson des voix tient une large place, dont l'inspiration est à la fois religieuse et populaire, et qui, exprimant en même temps les aspirations les plus modernes, est bien véritablement le Te Deum de la Révolution.

Le chant du premier verset, large, solennel, avec une émotion contenue, est un thème dont le contour semble renfermer une inspiration religieuse reconnue comme immuable, car nous le retrouvons à toute époque : dans la psalmodie catholique, — dans les cantiques de l’église réformée (chorals allemands, psaumes français), — jusque dans Parsifal, dont un des plus beaux thèmes, celui de l'Agape, est (à la notation rythmique près) identique, pendant huit mesures, au chant initial du Te Deum de la Fédération! Les basses l’entonnent à V'unisson : le chœur répond en faux bourdon. Les instruments, imitant les sonorités de l'orgue, accompagnent les voix, donnant aux harmonies des cadences finales toute la plénitude. Parfois les chanteurs s’interrompent pour reprendre haleine, et l'orchestre joue un interlude : le musicien du xvin° siècle reparaît alors ; au chant religieux succèdent des rythmes d’airs à danser, des mélodies en style rococo; et c’est chose infiniment curieuse de voir dans le même ouvrage ce mélange d'inspiration presque antique avec des réminiscences de l’art mondain de l'époque présente. La valeur de l'œuvre n’en est aucunement diminuée; au contraire, ces détails accusent la date, nous ramènent dans le milieu réel, nous la rendent plus intéressante et plus vivante encore.