Les fêtes et les chants de la révolution française

E

LA FÊTE DE LA FÉDÉRATION. 41

déroule d'un seul jet, pleine, abondante, naturelle; elle a uneampleur mélodieuse, un caractère suave, en mème temps qu'une superbe envolée. Les harmonies, larges et simples, font corps intimement avec le chant, et le rehaussent. Les formes, en leur sobriété et leur absence de recherche, sont nouvelles et ne rappellent rien de connu précédemment : à peine par quelques ritournelles s’aperçoit-on que l’on est encore au XVIN° siècle. Un détail, va nous montrer le musicien en avance sur son temps : une de ses formules mélodiques rappelle avec une parfaite exactitude une phrase que Beethoven retrouvera quinze ans plus tard.

C’est, en résumé, une admirable inspiration.

Comment une telle page a-t-elle pu être à ce point oubliée qu'on en ait, pendant plus d’un siècle, ignoré jusqu'à l'existence? Et cependant, je ne crains pas de regarder le Chant du 1% juillet comme un chef-d'œuvre, et je crois qu'il peut être considéré, conjointement avec la Marseillaise, comme le plus beau type que nous ait Jaissé l’art lyrique de la Révolution. I1 mérite de prendre place même avant le Chant du départ, qu'on a pu nommer avec raison une « seconde Marseillaise », et précisément à cause de cela : le chant de Méhul, en effet, si beau qu'il soit, ne vient qu’en second. Celui de Gossec, issu d'une inspiration différente, reste premier dans son domaine. La Marseillaise est le chant de l’action : le Chant du 14 juillet, celui de la foi contemplative; la première est un chant de guerre, l’autre un chant d'amour : l'amour de l'humanité. L'un et l’autre expriment dignement l’état d'âme de la nation à deux époques également décisives, mais si différentes : le premier jour de la guerre d'indépendance de la France devant l'Europe bientôt coalisée, — le premier jour du rève sublime de la fraternité!