Les fêtes et les chants de la révolution française

42 FÊTES ET CHANTS DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE.

Ce chant, si digne de déverser pour la première fois ses larges ondes du haut de l’autel de la Patrie, ne fut pourtant pas entendu en cette journée. Il n’était pas encore composé le 14 juillet 1790.

Cependant, la question du « Chant de la Fédération » avait été soulevée avant la fête. Des esprits elairvoyants avaient senti la nécessité d’un chant national, convenant à la grandeur de la solennité, et, en même temps, accessible à tout le peuple. La Chronique de Paris inséra à ce sujet une lettre d’un correspondant déplorant l'impropriété du Te Deum dans une fête civique. « Parlons en français », écrivait-il; il demandait « un hymne français, un cantique simple et énergique comme le serment, majestueux et grand comme le 14 juillet ». Poussant son idée jusqu’à la réalisation pratique, il ajoutait : « Pourquoi l’auteur de Charles IX n'entrerait-il pas en lice? »

L'écrivain ne pensait pas être en si parfaite conformité de vues avec le poète : dès le surlendemain, le journal publia la réponse de Chénier : « J'avais eu cette pensée il y a longtemps, et l'ouvrage est fait depuis plusieurs jours. » Et il annonçait la publication prochaine de son ode.

Mais, il n’était question que de vers, nullement de musique, et déjà il était trop tard : c’est ce que fit remarquer, l’'avant-veille de la fète, un nouveau correspondant de la Chronique, parfaitement d'accord, quant au fond, avec les précédents. « Cette idée vraiment patriotique, disait-il, paraît être un peu tardive; el quoiqu'il ne soit rien d’impossible au génie échaulfé du saint enthousiaste de la liberté, quoiqu'un si nob# sujet puisse créer des génies, peut-on se flatter que, dans un aussi court intervalle, nos poètes et nos musiciens pourront enfanter une production digne d’une