Les fêtes et les chants de la révolution française

48 FÊTES ET CHANTS DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE.

mentalement aux victimes de l’un ou de l’autre parti, l'affluence fut grande encore au Champ de Mars, devenu décidément le Temple de la Révolution.

Donc, le 20 septembre 1790, ce Temple était en deuil. L’autel de la Patrie, drapé de noir, était entouré de cyprès; dans les cassolettes placées aux quatre angles brûlaient des flammes sombres exhalant une fumée épaisse; la galerie sur laquelle le roi et l'Assemblée avaient pris place au 14 juillet était tendue de voiles de deuil, et les drapeaux étaient ornés de crêpes. L'aumônier général de l’armée de Paris, assisté par les aumôniers des soixante bataillons, célébra la messe; pendant ce temps, le corps de musique, reprenant sa place sur la plate-forme au pied de l'autel, exécuta « une musique triste et lugubre » dont l'impression, combinée avec cette mise en scène funèbre, fut vivement ressentie par l'assistance.

Nous sommes déjà mieux informés que nous n'étions naguère sur la composition du programme musical. La Chronique de Paris cite l'ouverture de Démophon, de Vogel, et plusieurs marches. Fétis confirme la première partie de ce renseignement, en disant que l'ouverture de Démophon fut jouée au Champ de Mars « pour la pompe funèbre des officiers tués à Nancy; elle y fut exécutée par douze cents instruments à vent ». Enregistrons ce chiffre sans nous faire d'illusions sur son exactitude : la Révolution avait laissé de si fortes impressions qu'au bout de quelque temps les moindres choses prirent, dans le souvenir même des contemporains, des proportions fantastiques.

L'ouverture de Démophon a joui d’une grande célébrité à la fin du xvine siècle : elle passa pour le type par excellence de l'ouverture classique. Son auteur, Vogel, était un eune musicien allemand, venu de bonne heure