Les fêtes et les chants de la révolution française

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FÊTES FUNÈBRES. — TRIOMPHE DE VOLTAIRE. 54

Le 4 avril 1791, dit Michelet, Paris vit « la pompe funèbre la plus vaste, la plus populaire qu'il y ait eu au monde avant celle de Napoléon ».

La journée commença par une manifestation solennelle des sentiments de l’Assemblée nationale : elle décréta que la nouvelle église Sainte-Geneviève (le Panthéon) serait destinée à recevoir les cendres des grands hommes aÿant bien mérité de la patrie; qu'elle porterait sur son fronton l'inscription : Au grands hommes la palrie reconnaissante; — qu'HonoréRiquetti Mirabeau était jugé digne de cet honneur.

Les récits contemporains nous ont laissé des descriptions frappantes de l'état de désolation, de stupeur où, à cette nouvelle, le peuple fut plongé. Sur le passage du cortège, qui ne se mit en marche qu’à la fin du jour, la foule, immense, encombrant les rues, les boulevards, massée aux fenêtres, sur les arbres, sur les toits, était silencieuse et morne. Spectacle étonnant, unique, et donnant, avec quelle précision! la sensation directe de la vie extérieure de ce temps-là : « Des complaintes naïves, dit un contemporain, entretenaient le peuple de la perte qu'il venait de faire. Mêlés à différents groupes, nous avons partout entendu le même langage. Le peuple gourmandait jusqu'à la légèreté de l’âge, qui ne permettait pas de se livrer au recueillement profond que devait inspirer la vue de la pompe funèbre. Les mères montraient le cercueil à leurs

enfants ». Le corps était porté par douze sous-officiers de la garde nationale ; six commandants de bataillon tenaient