Les fêtes et les chants de la révolution française

32 FÊTES ET CHANTS DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE.

pression musicale de ce jour fut violente et nouvelle. L'on n'était plus au Champ de Mars, où les vibrations sonores s’éparpillaient dans le vaste espace, où la joie, l'enthousiasme, les acclamations empêchaient de prêter attention à la musique. Ici, non seulement le silence élait profond, mais, dans les rues par lesquelles on défilait, le son, répercuté par les maisons, remplissait l’espace. La Marche lugubre de Gossec sembla véritablement formidable : cette masse compacte de sonorités, s’avançant à pas lents, les tambours, voilés de noir, roulant sourdement, les éclats des trompettes, les rythmes fortement martelés des basses, les gémissements des flûtes, les larges unissons des trombones, entrecoupés par les sons lugubres du tam-tam, tout grandissait prodigieusement l'émotion populaire. « Les notes, détachées l’une de l’autre, brisaient le cœur, arrachaient les entrailles. »

On alla de la maison de Mirabeau, rue de la Chausséed’Antin, à Saint-Eustache, par le boulevard et la rue Montmartre. A la sortie de l’église, la nuit étant venue, le cortège se reforma et marcha vers le Panthéon, aux flambeaux, montant, toujours aux sons de la funèbre marche, par les rues étroites et noires du vieux quartier Latin. À minuit, le corps du grand orateur reposait sous la coupole, et le peuple se retirait, l'imagination terriblement frappée par un si saisissant spectacle.

Chénier écrivait :

… Lugubre et touchante harmonie, Fais-nous entendre tes accords! Marbre, obéis à Praxitèle:

Toile, rends cette âme immortelle Que les dieux semblaient inspirer; Et toi muse patriotique,

Chante le funèbre cantique :

Un grand homme vient d’expirer.