Les fêtes et les chants de la révolution française

54 FÊÔTES ET CHANTS DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE.

comme cette époque seule en sut faire ! Le spectacle n'était pas sur la scène, mais dans la salle. A la première, Mirabeau, aperçu dans une petite loge, aux quatrièmes où il s'était placé en observation, dut, sous la contrainte du public, descendre aux premières et se placer en vue de tous ; on fit des ovations à des représentants populaires, notamment au duc d’Aiguillon ; on mit à la porte les cidevant qui protestaient. Pendant la pièce, tous les vers qui pouvaient s'appliquer à la situa. tion présente, — ils étaient nombreux, — étaient accueillis par les marques violentes des opinions les plus diverses ; les spectateurs s’interpellaient, se menaçaient; dans les entr'actes, certains demandaient la parole, l'obtenaient, prononçaient des discours. A la troisième représentation, le marquis de Villette, neveu de Voltaire, fit une motion pour demander que le corps de l’auteur fût ramené à Paris et porté au Panthéon, où reposait un autre philosophe, Descartes. La proposition fut acclamée et un mouvement d’opinion se forma sur-le-champ.

Une coïncidence inattendue permit d'accomplir ce projet plus tôt sans doute que n’eussent désiré les ennemis de Voltaire, lesquels, de leur côté, étaient en force et non moins bouillants. Le corps avait été inhumé à l'abbaye de Seillières, dans l'Aube; or, il se trouva qu'au commencement de 1791 cette abbaye fut mise en vente : la tombe de Voltaire allait être expropriée!... Ses admirateurs saisirent l’occasion avec empressement. Sur les instances du marquis de Villette, la municipalité de Paris se déclara prète à faire bon accueil à la dépouille du philosophe, et le 30 mai 1791, jour anniversaire de sa mort, l’Assemblée nationale déclara que « Maric-François Arouet Voltaire est digne d'être admis