Les fêtes et les chants de la révolution française

FÊTES FUNÈBRES. — TRIOMPHE DE VOLTAIRE. 59

tures bleues à la taille !, guirlandes de roses sur la tête, des palmes ou des couronnes civiques aux mains; parmi elles, en habits de deuil, Mme de Villette, nièce et pupille de Voltaire, et les filles de Calas. Tandis que la statue s'arrête sous un are de triomphe, le char, au milieu du pont Royal, stationne un instant, étalant aux innombrables regards des spectateurs échelonnés depuis la place Louis XV jusqu’à la Cité ses ornements dans le goût ancien et sa décoration symbolique. Il s’avance enfin, au son de la Marche lugubre. Mais bientôt d’autres accents succèdent, d’un ton moins funèbre et plus triomphal; c’est une ode que Chénier a écrite, et dont Gossec, inépuisable, a encore composé la musique :

Ce ne sont plus des pleurs qu'il est temps de répandre: C'est le jour du triomphe et non pas des regrets.

Le chant est doux, simple, d’une pureté classique : il rappelle distinctement un thème de Mozart que, sans doute, personne à cette époque ne connaissait en France.

Les instruments antiques retentissent de nouveau, et le cortège repart. Il s’arrète encore devant « l’Ancienne Comédie », dans la rue qui porte aujourd'hui ce nom : il n'y stationne qu'un instant, et arrive bientôt devant le Théâtre-Francais, Odéon actuel. Pour la circonstance, le monument a été dénommé : Temple de Melpomène, appellation qui sied à son architecture sévère. La nuit est tout à fait venue. L’on exécute de nouveau le chœur : « Peuple, éveille-toi »: malheureusement la pluie, qui jusque-là avait respecté l’apothéose du grand homme,

1. Le musée Carnavalet possède une de ces ceintures, en satin bleu pâle, d’un ton un peu fané; le char, attelé de quatre chevaux qui se cabrent, est imprimé en noir au milieu du ruban; l’élolfe est très bien conservée, et semble toute neuve. Document intéressant et suggestif, qui fait revivre le souvenir d’une cérémonie si caractéristique.