Les fêtes et les chants de la révolution française

FÊTES FUNÈBRES. — TRIOMPHE DE VOLTAIRE. 61

tendu n’y voir que des mascarades. La plupart de ceux qui parlent ainsi subissent l'influence du système de dénigrement qui, pendant tout un siècle, a faussé si complètement les idées relatives à la vie et aux mœurs de la Révolution. Il est vrai qu'en ce temps-là on avait le goût des costumes variés, éclatants, des uniformes, des groupements harmonieux et réguliers, sinon toujours pittoresques; mais si, en notre temps, nous sommes d’un sentiment contraire, je ne suis aucunement convaincu que la supériorité soit à nous. Aussi bien, à toute époque, les idées nouvelles ont eu besoin, pour s'exprimer, des formes consacrées et antérieures; or, ces éléments de vie extérieure provenaient des habitudes de l’ancien régime : l'esprit nouveau ne fit que les utiliser, les mettre en valeur, les interpréter.

L'antiquité était fort en honneur à la fin du xvur° siècle : les démocraties d'Athènes et de Rome étaient les modèles des législateurs, et l’on n’admettait d’art sérieux. que sous les apparences antiques. Si David, en traçant Iles dessins destinés aux fêles nationales, se souvenait qu'il était l’auteur des Horaces et des Brulus, personne n’eût songé à l’en blämer. Et quand tant de citoyens français avaient, ou croyaient avoir, l'âme romaine, est-il si regrettable que quelques-uns en aient porté l’habit? Notre époque sceptique n’admettrait pas de ces déguisements en des occasions sérieuses, et le vilain mot de cabotinage serait vite prononcé; mais alors personne n’eût songé à ce reproche. En réalité, malgré certaines fautes de goût, ces fêtes furent belles, imposantes, et d'un remarquable sentiment décoratif.

Quant à la musique, ce fut peut-être celui de tous les arts qui tira le plus grand profit de :sa participation aux fètes nationales et en réalisa les plus notables pro-