Les impressions du comte de Las Cases sur l'Empire français en 1812

[352] PH, GONNARD

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Dans la France de 1812 comme dans le voyageur qui l’étudie, des traits se retrouvent, qui marquent, sous le nouveau régime, la persistance de l’ancien. Ici, c’est l'esprit de province. Dans la Haute-Loire, mi-partie Auvergne et Languedoc, Brioude « se plaint beaucoup du traitement du chef-lieu. Elle se regarde comme une portion constamment en disgrâce, et cela parce qu’elle est d’origine étrangère à la province dont se compose le reste du département ». Nulle part, cet esprit de province n’est plus accentué qu’en Bretagne : « Rennes semble être demeuré plus particuliérement le siège des qualités caractéristiques des Bretons. Une opposition naturelle au gouvernement, prise dans leurs États, une affectation d’indépendance, une ténacité d’opinions et d’habitudes anciennes portées jusqu’à l’opiniâtreté, un esprit de province et de compatriotes, prenant sans cesse le ton et la marche de l'esprit de parti, toutes ces circonstances concourent à gêner singulièrement l'autorité de l’administrateur.. C’est surtout à leurs yeux un grand vice d'être étranger chez eux. Ce sentiment est partagé par toutes les classes : la première est celle qui nourrit tous ces préjugés, et les fait descendre jusqu’à la dernière. » — Ailleurs, l’ancienne liberté des ex-pays d’États se révéle par l’activité plus grande de leurs notables, leur dévouement aux affaires d'intérêt public. En entrant, à Montauban, dans la zone des anciens pays d'élections, Las Cases remarque que les administrateurs volontaires des établissements de bienfaisance sont loin de montrer autant de zèle et d’activité qu'à Aix, à Nîmes, à Montpellier, dans les anciens pays d'Etats; et cet étonnement le suit à travers la Guyenne et les Charentes. Là où vivait un clergé riche, en Belgique, en Poitou, sa générosité mal entendue a multiplié les pauvres paresseux et favorisé l’habitude de la mendicité, qui subsiste vingt ans après la dispersion des communautés.

De la Révolution, plus proche, on peut, à plus forte raison, constater des survivances ; on notera, par exemple, les soins minutieux pris, aux dépens des départements, pour approvisionner Paris, dont on redoute les émeutes, Lors de la disette de 1811, les grains ont manqué dans le département de la Dyle : c’est que les agents de Paris, « décidés à obtenir des grains, les prenaient à tout prix ». Dans le Calvados, le préfet, cherchant à approvisionner son département « a éprouvé beaucoup de traverses de la part de la ville de Paris, qui lui a souvent annulé ses marchés ». Affamés par Paris, les Normands se sont révoltés ; mais « l'exemple terrible qu’on a fait des séditieux, a été d’une influence salutaire sur le reste de