Les Régicides

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physiques, les autres par défiance d'eux-mêmes et se sentant l'esprit troublé et le jugement obscurci. Si l’on peut s'étonner, c’est de voir que le nombre des abstentions n’ait pas été plus considérable.

À cent ans de distance, dans une société sceptique et railleuse dont le trait dominant est l’affaissement des caractères, on est trop porté à croire que les abstentions et surtout les revirements signalés dans le vote final, ont masqué des défaillances. Ce serait bien mal comprendre l'époque révolutionnaire et se faire une idée bien fausse des membres de la Convention, que d’attribuer à la peur, à l’inconsistance ou à d’autres motifs aussi peu avouables, les revirements qui se sont produits lors du vote final. Les caractères étaient alors bien autrement trempés qu'aujourd'hui, et, depuis les massacres de septembre, personne ne pouvait se dissimuler que la Convention serait une arène, où les partis se combattraient à outrance, et que, dans cette guerre sans trève ni merci, les bulletins de vote porteraient la mort aussi bien que les boulets sur un champ de bataille. Ce qui prouve bien que les clameurs du dehors et les huées des tribunes n’ont pas eu d'influence sur le vote, c’est que les revirements ont eu lieu dans un sens comme dans l’autre, et l’on doit croire que les uns comme les autres furent dictés par des motifs aussi sérieux qu'honorables, si l’on observe qu’ils se sont produits surtout parmi les représentants les plus autorisés de populations qui ne passent pas pour être versatiles ou pusillanimes, notamment ceux de la Bretagne, de la Franche-Comté et du pays des Cévennes.

Parmi les membres qui, ayant voté la mort sans condition, ont ensuite voté pour le sursis, on trouve : Bohan, premier député du Finistère; Bolot (Haute-Saône), Ferroux et Grenot (Jura) ; Bonet de Treyches (Haute-Loire.)

Dans le sens opposé, on remarque avant tout trois députés qui, ayant voté la mort avec sursis, ont ensuite voté contre le sursis et se sont ainsi complètement déjugés; ce sont : Blad (Finistère), Monestier (Lozère) et Lanthenas (Rhône-et-Loire),