Les serviteurs de la démocratie

180 LES SERVITEURS DE LA DÉMOCRATIE

II

Comme journaliste, Armand Carrel est une des gloires du xix° siècle. Personne n’a eu au même degré que lui le don de la polémique hautaine, nervéuse et décisive. Sa plume valait une épée. Il discutait sans emportement, sans violence d'idées et de langage, avec une raison froide, une logique inflexible et un courage qui bravait tous les dangers. Armand Carrel fut, avec MM. Thiers et Mignet, un des fondateurs du National, — ce journal illustre entre toutes les publications périodiques. Le National, créé en 1829 pour battre en brèche le gouvernement clérical de Charles X, fut dirigé et rédigé pendant sa première année d'existence par M. Thiers beaucoup plus que par Carrel. Le rôle prépondérant de ce dernier ne commence qu'après la Révolution de 1830.

Carrel, qui avait été à la peine, ne voulut pas être à l'honneur, encore moins à la curée. En cela il restait fidèle à la vraie tradition républicaine, — la tradition du désintéressement. On lui offrit plusieurs hautes fonctions. Il refusa tout et regarda comme la seule dignité qui convint à son caractère et à son talent la fonction de journaliste démocrate. Carrel avait rapide ment compris qu'après les expériences monarchiques du passé il n’y avait de possible dans notre pays que la République. Toute monarchie n’était à ses veux qu'une transition conduisant à la guerre civile. IL ne se hâta point cependant d’entrer en lutte avec le nouveau pouvoir, la monarchie bourgeoise. Mais après les premières atteintes à la liberté, après les insurrections de 1831-