Les serviteurs de la démocratie

ARMAND CARREL e 181

1839, il engagea contre les ministres de Louis-Philippe une polémique sans trêve et sans merci. A ceux qui lui reprochaient l'âpreté de ses articles, il répondait: « Si j'étais député, je ne parlerais pas à la tribune comme j'écris dans un journal; mais il faut écrire dans un journal autrement qu'on ne parle en public. Quand on fait de la politique dans une feuille quotidienne, c'est comme si l’on criait au milieu d’une foule. » Et une autre fois, il définissait en ces termes le rôle du journaliste : « Faire la guerre en conscience pour le compte de ses opinions, sans prendre ni recevoir de mot d'ordre d'aucune autorité organisée. » Ainsi comprise, la fonction du publiciste était digne . de l'estime de tous; mais elle exposait à des dangers toujours renaissants, à des accusations faciles, à des calomnies toujours prêtes. En ne flattant personne, Carrel s’éxposait à s’entendre traiter par ses coreligionnaires ‘d'irrégulier où d'orgueilleux, et par le pou- voir, de fanatique ou de seclaire.

A partir des lois de septembre la situation de journaliste devint des plus difficiles : les procès, les amendes, les condamnations à la prison s’abattaient sur les publicistes indépendants. On osait même arrêter et meitre en prison préventivemient les gérants et les rédacteurs de journaux contre qui une instruction judiciaire était commencée. Armand Carrel qui avait dit: Je ferai respecter mon journal comme ma personne, vit dans ces arrestations préventives un acte arbitraire et odieux. Il résolut d’y mettre fin ou d’en être lui-même la victime. Dans un article du National, il dénonça avec une véhémence indignée l'abus de pouvoir commis envers ses confrères. II s’efforça de donmér à son article le caractère le plus délictueux possible: il terminait en mettant le ministre de la justice au défi de le faire arrêter, fui,