Les serviteurs de la démocratie

PIERRE LEROUX 207

monde, même dans le monde des lettres, c’est sa bonhomie, ses allures rustiques, la négligence de son costume. L’habit ne fait pas le moine, sans doute; mais pour le vulgaire le moine n’est reconnaissable qu'à l’habit. Le premier venu pouvait se moquer de la redingote de Pierre Leroux; il fallait, pour apprécier le philosophe, être une nature distinguée et une intelligence d'élite. Aussi Pierre Leroux a été plus raillé qu'apprécié. Mais en revanche que de fières intelligences lui ont rendu hommage. Victor Hugo l'admirait, George Sand le consultait comme un maître ; Henri Martin en fait le plus grand cas. C’est pourquoi nous ne sommes pas élonné que les doctrinaires de l’ancien Globe aient apprécié P. Leroux, mème lorsqu'il n’était que le plus pauvre et le plus obscur des hommes de lettres.

Pierre Leroux avait travaillé au renversement de la monarchie dite légitime; mais, après la Révolution de Juillet, il ne songea point à demander une place. Il appartenait à cette race d'hommes qui ne sont jamais rien parce qu'ils sont Loujours quelqu'un.

Pendant que les rédacteurs du Globe devenaient, sous la monarchie citoyenne, ministres ou préfets, Pierre Leroux redevenait ouvrier. D'abord simple typographe, puis melteur en pages et correcteur. Vers 1834 il entre à la Revue des Deux Mondes, qui venait d’être fondée par Buloz. Cest à Pierre Leroux que le directeur de cette Revue fit un jour cette réponse épique : Le philosophe lui apportait un article sur Dieu: « Je n’en veux pas, s’écria Buloz. Dieu, voyez-vous, ça manque d’actualité. » Pierre Leroux, qui‘aimait à avoir ses coudées franches, quitta la Revue des Deux Mondes et fonda la Revue indépendante, avec George Sand et M. Viardot, qui à rendu tant de services à l’art, à la libre pensée et à la démocratie. |