Les serviteurs de la démocratie

EUGÈNE CAVAIGNAC 233

IV

Ce fier et éloquent langage dans la bouche de cet intrépide soldat n’était pas une vaine rhétorique. Le pays le vit bien quand vint le coup d'État du DeuxDécembre. Arrêté, emprisonné à Mazas, puis au château de Ham, le général Cavaignac refusa la liberté que lui faisait offrir le prince-président. Il motiva son refus dans une lettre fort belle, adressée à M. le duc de Morny. Cette lettre a précédé celle de Barbès et semble l'avoir inspirée.

« Si, écrivait Cavaignac, M. le commandant du fort de Ham eût reçu l’ordre pur et simple de m’ouvrir les portes de la prison, j’eusse purement et simplement repris ma liberté, qui m'a élé illégalement ravie; mais l’ordre qui me concerne est accompagné d’une lettre que vous n’avez pu considérer comme une confidence et qui devait naturellement m'être communiquée. Le commentaire qu'elle renferme et les motifs qu'elle prête au pouvoir au nom duquel vous agissez ne sont pas de nature à être acceptés par moi. »

Devant cette lettre, M. de Morny capitula, et le général Cavaignac reprit sa liberté à titre non pas de grâce, mais de droit.

Les électeurs parisiens qui savent où se rencontrent, dans les circonstances difficiles, les véritables amis de la démocratie, élurent député, pour la seconde fois, en 1859, l’illustre général. Comme il fallait s’y attendre, il refusa de prêler serment à l'empire et se condamna au rôle d’opposant en dehors de toute investiture officielle.

Lorsque la mort vint soudainement prendre Eugène