Les serviteurs de la démocratie

238 LES SERVITEURS DE LA DÉMOCRATIE

la menaçaient. Tandis que le président du Conseil, fier de ses succès oratoires, montait au Capitole après chacun de ses discours, le poète pressentait la tempête, prophétisait : « {a Révolution du mépris. » Elle arriva, balayant en quelques heures et Louis-Philippe, et M. Guizot et leurs applaudisseurs ordinaires. Le poète avait pour sa large part contribué au mouvement du 24 Février. Il avait dirigé la célèbre campagne des banquets, publié avec un succès extraordinaire l’Histoire des Girondins, défendu en compagnie de ‘LedruRollin la thèse des droits politiques du peuple. Aussi le 24 Février 1848, Lamartine apparut aux yeux du peuple de Paris enthousiasmé comme l’homme nécessaire. Nommé membre du Gouvernement provisoire et ministre des Affaires étrangères, Lamartine usa de son crédit et de son influence pour faire abolir la peine de mort en matière politique, mais, à notre avis, il ne sut pas tenir à l'Europe le ferme langage d’an ministre républicain. Il voulait ménager toutes les formes de gouvernement; il n’arriva ainsi qu'à mécontenter tout le monde, aux dépens des principes démocratiques. |

Mieux inspiré dans sa politique à l’intérieur, Lamartine réconcilia les esprits aigris et divisés, lutta contre les prétentions contradictoires du peuple trop excité et de la bourgeoisie prise de terreur.

Au lendemain de grands revers la sagesse est facile, tout l’impose : les tristesses actuelles et les humiliations récentes. Le talent alors, ce n'est pas d’être circonspect, c’est d'être hardi. Mais au lendemain d’un triomphe populaire, après dix-huit ans de paix, il en est tout autrement. D'un côté, les malheureux souhaitent et réclament l'abolition immédiate de toutes les souffrances; de l’autre, les intelligences ardentes