Les serviteurs de la démocratie

D'ALEMBERT 13

passe pourtant pour un timide, se montra le plus hardi de tous. On peut le faire figurer ‘parmi les ancêtres du socialisme contemporain. Il prétendit prouver qu'un État n’est pas bien organisé s’il n’assure à chacun de ses membres, non seulement du travail, mais du pain.

Sans doute, d’Alembert avait raison. L'existence de la misère prouve que tous les progrès politiques et sociaux sont loin d’être accomplis. L’effort du législateur doit tendre constamment à faire disparaître la détresse publique et privée. Est-ce à dire qu'il faut imposer à l'État l'obligation de régler et de fournir le salaire? Nous ne le pensons pas. L’humanité n’est ni une caserne ni une prison. Elle subsiste avec une somme de libertés qui entraînent quelques inconvénients, mais en dehors desquelles il n’y a que le despotisme d’un individu ou le despotisme également haïssable de l'État.

Nous sommes avec d’Alembert lorsqu'il réclame pour tous les enfants l'obligation d'apprendre le catéchisme… mais le catéchisme civique. On doit à ce philosophe la théorie ingénieuse et vraie d’après laquelle on n’est réellement un citoyen qu'à la condition de connaître tous ses devoirs envers la patrie. D’Alembert voulait qu'on enseignât dans toutes les écoles ce que c’est que l'État — ce qu’il nous doit et ce que nous lui devons. L'idée du philosophe du xviu° siècle a fait fortune. Pendant la Révolution française, de nombreux catéchismes républicains furent composés. De nos jours, on a publié aussi quantités de manuels de l'instruction civique et morale. Ces manuels ont soulevé des tempêtes au Vatican d'abord ét au Sénat ensuite.

L'illustre philosophe du xvrmr siècle laissait une part plus large à l'initiative individuelle, il ne tendait point à tout enrégimenter et à tout soumettre à un mot d'ordre officiel.