Les serviteurs de la démocratie

VOLTAIRE 29

avait, cette intolérance, pour forteresse la tradition ecclésiastique, et pour auxiliaire Îles miracles et les pères de l’Église. Voltaire lut les pères de l'Église et même les annota.— « Hé quoi! Monsieur, lui disait une dame, vous avez lu tous ces vénérables auteurs? Oui, Madame, je les ai lus, et ils me le payeront ! » Ils le lui payèrent en effet. Le spirituel philosophe prouva que les idées obtuses du mi et du 1v° siècles n'avaient pas le droit d'opprimer les libres-penseurs du xvine siècle. Quant aux miracles, Voltaire en fit le siège et les amena bientôt à capituler devant lui. Ses Lettres sur les meracles sont des modèles de raison et de gaieté : il faut l'entendre raconter que, puisque les récits bibliques font autorité, on devrait donc admettre, si la Bible le racontait, que ce n’est pas Jonas qui a été avalé par la baleine, mais que c’est la baleine elle-même qui a été avalée par Jonas! Voltaire estimait que la vérité n’a pas besoin d’être appuyée par des miracles. Pour prouver que deux et deux font quatre, il n’est point nécessaire de monter sur les flots « et quand même, ajoutait-il, vous changeriez toute l'eau du monde en vin, vous ne démontreriez pas que deux et deux font cinq.

Énoncer de pareilles “érias et les énoncer si gaiement ne parait pas constituer un crime abominable ? Cependant Voltaire et ses émules s’exposaient, en énumérant ces vérités, aux pénalités les plus redoutables. On connaissait peu, dans ce temps, la liberté de la presse : une loi qui ne péchait pas précisément par l’exagération de la tendresse édictait la peine de mort contre tout auteur d'écrit tendant à émouvoir les esprits (1) !

(1) Ordonnance Royale de François 1°", surnommé le Père des Lettres {Histoire de la liberté de la Presse en France).