Lettres inédites de Frédéric Gentz à sir Francis d'Ivernois (1798-1803)

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besoin d'éclairer le public sur le véritable état des finances de PAngleterre n’a peut-être jamais été plus grand, plus pressant qu’aujourd’hui : car vous ne sauriez croire jusqu’à quel point l'ignorance et la mauvaise foi ont brouillé, surtout en Allemagne, toutes les idées sur la situation financière des Anglais, et quelle influence ont dans ce pays les déclamations de quelques écrivains de l’opposition, et principalement celles de quelques rhéteurs français et de quelques misérables pamphlétistes parmi nos compatriotes. Je sais d’avance que toute cette horde révolutionnaire ne manquera pas de traiter les résultats que j'ai présentés, de fables aristocratiques, soldées par M. Pitt, — car croiriez-vous, Monsieur, qu’on débite partout que je suis à la solde de ce ministre qui très probablement n’a jamais entendu prononcer mon nom * ? — mais, comme dans une dissertation de la nature de celle-ci, il est impossible de combattre des calculs, sans leur opposer d’autres calculs, je suis assez tranquille sur toutes les attaques qu’on me livrera.

Si, d’un côté, le besoin de fournir quelques données raisonnables et solides aux hommes instruits et pensants, n’a jamais été plus grand, de l’autre côté, la facilité de les fournir n’a jamais été plus favorable. Depuis les recherches et les débats, auxquels la taxe sur les revenus a donné naïssance, depuis les discours de Msrs. Pitt, de Lord Auckland?, etc., même de Mr. Tierney*, puisqu'il a été forcé de rendre un hommage involontaire à l’état florissant et l’administration glorieuse de son pays, depuis les écrits de Mr. Rose, de Mr. Becke, etc., une nouvelle lumière a été jetée sur presque toutes les matières, qui composent le bilan général de la seule nation véritablement grande qui existe dans ce moment. Je vous dois surtout

1. Mais on trouve dans les Tagebücher de Gentz (Leipzig, 1873-1874) à la date du 1er juin 1800 : « Reçu par Garlicke une lettre de Lord Grenville et un cadeau de 500 livres sterling — le premier de ce genre ». À la fin de 1800 il en reçut encore 100 livres sterling.

à. William Eden Lord Auckland (1744-1815), « postmaster-general » dans le cabinet de Pitt de 1798 à 1801.

3, George Tierney (1761-1830), parlementaire anglais, adversaire de Pitt, avec lequel il eut même un duel, le 27 mai 1708.