Lettres inédites de Frédéric Gentz à sir Francis d'Ivernois (1798-1803)
LE
trouvé sur plusieurs points ; et ce qui m'a surtout un peu choqué, il incline à composer avec les premiers auteurs des malheurs de la révolution, auxquels, dans mon système, il est permis de pardonner, mais qu’on ne peut, ni ne doit jamais justifier. — Je vous prie en grâce, Monsieur de mettre tout ceci sur le compte de la confiance extrême que vous m'avez inspirée, et de ne pas me taxer d’une légèreté coupable, pour vous avoir dit ce que je n’aurais pas le courage de dire à d’autres. Je ne voudrais pas, pour tout au monde, nuire à la bonne cause, en attaquant, ne füt-ce que de loin, un homme aussi précieux pour cette cause que, malgré toutes mes réflexions, Msr. du Roveray me paraît être !.
Je joins à cette lettre deux exemplaires de l’octobre de mon Journal, en vous priant de vouloir bien donner Pautre à Mr. Mallet-Dupan. Je n’ai pas eu le temps de lui écrire directement ; d’ailleurs je lui ai écrit plusieurs fois sans avoir eu le bonheur d’une réponse, que j'attends avec impatience, et dont au reste je ne lui impute nullement le retard; je sais à présent ce que c’est que de se condamner à un travail périodique *?. Mais d’où vient le grand et fâcheux intervalle que Msr. Mallet nous fait éprouver depuis près de deux mois ? Serait-ce la faute de Fauche *? Ou donnera-t-il plusieurs numéros ensemble ?
Je vous prie, Monsieur, de ne pas me faire attendre longtemps une lettre de votre part, par laquelle vous me préparerez une heure bien délicieuse, et de croire toujours à la pureté et à la force des sentiments distingués avec lesquels je ne cesserai d’être
Votre très-humble et très-obéissant serviteur,
GENTz. Berlin, ce 18 uctobre 1799.
1. Jacques-Antoine Du Roveray, né à Genève en 1747, avocat en 1771, un des chefs du parti démocralique, procureur général en 1779, exilé de Genève en 1782 et 1794, exclu du droit de devenir Français en 1798. Il vécut surtout en Angleterre à parlir de 1795, et mourut à Londres en 1814. Il est l’auteur de nombreux écrits politiques et juridiques.
2. Mallet-Dupan publiait alors le Mercure britannique, qu’il abandonna encore en 1799. Il mourut de « consomption » en 1800.
3. Éditeur hambourgeois.