Lettres inédites de Frédéric Gentz à sir Francis d'Ivernois (1798-1803)
pe l’annoncera, ni Le vendra publiquement : vous ne vous faites pas une idée de cette poltronnerie universelle.
Après ce que vous venez de lire, vous sentirez bien que je suis absolument incapable de contribuer le moins du monde à la publication de l'ouvrage dont, à ma très-grande satisfaction, Yous vous Occupez maintenant. Je vous dirai, en grande confidence, quels sont mes propres projets. Je m'occupe réellement et très-sérieusement d’un ouvrage dans lequel je veux présenter l’histoire des relations entre la France et Angleterre depuis la paix d'Amiens Jusqu'au moment où la guerre a recommencé ; et je plaïderai dans cet exposé la cause de l’Angleterre avec toute la force dont Je suis capable. Mais loin, bien loin, de pouvoir le faire imprimer sous mon nom, ilne me reste d’autres moyens que d’envoyer mon manuscrit (par des voies extrêmement détournées) à un libraire du Nord de l’Allemagne, qui ne saura jamais, ou du moins auquel je n’avouerai Jamais, que j’en suis l’auteur. Encore ne sais-je pas si cette entreprise sera exécutable avec toutes les précautions auxquelles J'aurai recours. Si c’est trop dangereux, J'enverrai mon manuscrit en Angleterre, je le ferai traduire en anglais, et, en me flattant que mon ouvrage aura assez d'intérêt pour être bien reçu en Angleterre, je le ferai paraître ensuite en Allemagne sous la marque d’une traduction. Voilà, mon cher d’Ivernois, à quoi je suis réduit ; et cela sans aucune timidité exagérée de ma part. Tous ceux qui me connnaissent attesteront que ce n’est pas là le reproche qu’on puisse me faire. Mais pour conserver ici la position que j'ai heureusement occupée, et moyennant laquelle je puis faire beaucoup de bien en secret, et moyennant laquelle je fais effectivement le seul bien qu’il soit encore possible d'opérer dans la dégradation déplorable à laquelle nous sommes parvenus, je suis obligé à me soumettre à toutes ces tristes précautions.
Je vous supplie de m'écrire aussi souvent que vous en trouverez l’occasion. Vos lettres sont une grande ressource, une grande consolation pour moi. Il y a toujours tant de courriers qui vont à Naples, à Constantinople, ete., que les moyens sûrs