Lettres sur la révolution française : par J. Gorani, citoyen français, à son ami Ch. Pougens

FRANCAISE. 9$ & fon miférable code, les fiefs, les juftices feigneutiales, & tous les droits qui:y font attachés.

Quoique la néceffité de détruire cette nobleffe foit fufifamment juftifiée par les brigandages que vos nobles exercent fur vos cultivateurs, Sire, & par l’hiftoire qui accufe les anciens nobles d’avoir ‘rendu les peuples efclaves, & leur poftérité d’avoir perpétué cet efclavage, & par les efforts que font aétuellement ces nobles pour étouffer la liberté ‘rançaife ; cependant je crois devoir éclairer encore votre majefté par les raïfons fuivantes, fur la néceffité de détruire ce fléau.

La nobleffe eft une diflin&ion, Toute difindion, dans la fociété, fuppofe, dans celui qui l'obtient, des fervices par lui rendus à la fociété ; or, un enfant qui vient de naître, n’a rien mérité, il eft donc abfurde de lui donner la diftinétion de 1a nobleffe avec toutes fes prérogatives,

Mais, dit-on, par l’hérédité de la nobleffle, on reconnoît, dans cet enfant, les fervices de fes ancêtres. On demandera d’abord à qui ont-ils rendu ces fervices, puifque les peuples étoient efclaves, & que la plupart le font encore.

Ces fervices ne font que des fuppofitions gratuites, puifque, dans l’origine, la nobleffe s’acquéroit par le fimple fervice militaire , qui n’étoit alors qu’un brigandage atroce, ow par l’acquifition d'un fief, qui ne fuppofe aucun mérite, aucun fervice, & qui n’étoit qu'une ufurpation; ou par la faveur du prince, qui, le plus fouvent, ne récompenfoit ainfi que la baffeffe & la proftitution. L’hérédité de la nobleffe ne rappelle donc que des ufurpations & des crimes impunis,