Lettres sur la révolution française : par J. Gorani, citoyen français, à son ami Ch. Pougens

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les caufes, & ils vous méprifent. Un fait que je me rappelle, me prouve combien vous êtes dans l’erreur à cet égard ; le voici :

Un jour caufant avec l’empereur Jofeph 11, vous lui dites: Sire, avec certe ingénuité qui peint votre bon caractere , ,, Tu menes une vie dure, tu manges mal, tu digeres mal, tu dors mal, tu veux tout faire, tu ennuiestesminiftres & tes départemens, tu es martyre de ta novomanie, tu te fais haïr de tous tes fujets, au point qu’ils fe réjouiflent toutes les fois qu’ils te voient entreprendre quelque voyage , tandis que moi, je mange bien, je digère de même, je dors tranquillement, je m'amufe, & je fuis tellement adoré de mon peuple, que, lorfque je veux m’abfenter , je fuis obligé de m'en aller de nuit, fans quoi il ne me laïlleroit point partir. .,

Ce qui vous concerne perfonnellement , Sire , dans ce difcours, n’eft pas entièrement exad. La clafle trèsnombreufe des Paglierti, tout en rendant juftice à vos bonnes qualités, déplore votre aveuglement ; votre foibleffe exceflive envers la reine & le général A@on; oui, fire, les bons citoyens de votre capitale vous reprochent non-feulcment le tems que vous perdez à des exercices abrutiffans, ils vous reprochent aufli de vous être déshonoré par le traité honteux que vous avez fair avec Pie VI, fans motifs & fans raifon; fi vous vous êtiez feulement donné la peine, fire, de lire l’hiftoire civile de Giannone, vous auriez vu qu'aucun prince étranger, & encore mains un vilain prêtre, ne peut avoir de droits fur la nomination aux évêchés, & autres bénéfices de vos Etats. En ne confultant même que votre bon fens naturel, il vous diroit qu’on peut très-bien