Lord Castlereagh et la politique extérieur de l'Angleterre de 1812 à 1822

136 CONFÉRENCE DE PARIS ET CONGRÈS D'AIX-LA-CHAPELLE,

quelle il donnerait lieu, alors même que les choses viendraient à mal tourner. — Nous déclarons que des progrès ont été faits dans les trois dernières années, et que nous comptons sur la sagesse du roi pour la consolidation progressive de l’ordre de choses établi en France. La vérité de la première de ces assertions ne peut être mise en doute : c’est par elle que nous pouvons ” justifier l'évacuation de la France. La seconde est fondée sur une espérance dont l’expression est peut-être utile au roi, et qui, lors même qu’elle vien- . drait à être déçue, ne peut nous faire encourir une bien grave responsabilité. Tant que nous maintenons la quadruple alliance, nous prouvons assez que notre vigilance n’est pas en défaut... Quant à l’allusion faite à la saintealliance, je crois que Canning, s’il veut relire la lettre écrite en 1815 par le prince régent aux souverains réunis à Paris, reconnaîtra que nous ne pouvions y rien objecter, et j’ajouterai que si nous voulons marcher encore quelque temps avec la Russie, nous devons prendre notre parti d’un vocabulaire tant soit peu anormal. »

Tels sont les argumens que lord Castlereagh opposait aux méticuleux scrupules de ses collègues. Nous avons vu comment fut définitivement rédigée cette déclaration, qui leur causait tant de soucis: lorsque lord Liverpool en connut le texte, il s’en montra satisfait.

Cette grande affaire était donc terminée. La France était rentrée dans la plénitude de son indépendance, elle avait même repris dans les conseils de l’Europe le rang qui lui appartenait. Certes il eût été difficile, trois ans auparavant, de lui prédire une aussi prompte résurrection. Le roi devait s’applaudir de la politique qu'il avait suivie, et le duc de Richelieu, qui venait d’apposer son nom à des actes si honorables et si utiles, que les souverains et les ministres étrangers avaient comblé des témoignages de leur estime et de leur confiance, le duc de Richelieu semblait pouvoir compter sur un long avenir de puissance, qu’au surplus il désirait peu. Les choses tournèrent tout autrement.

Le congrès d’Aix-la-Chapelle n’était pas encore terminé, que déjà les nuages s’amoncelaient sur l'horizon de la France, naguère si serein. Une crise financière, conséquence naturelle de la surexcitation factice qu’on avait imprimée pendant quelques mois au crédit public renaissant, mit le gouvernement français dans l'impossibilité d’accomplir aux termes fixés les derniers paiemens qui étaient la condition de la libération du territoire. Comme cette impossibilité provenait évidemment de circonstances imprévues et indépendantes de sa volonté, d’une véritable force majeure, comme d’ailleurs sa solvabilité n’était pas douteuse et que quelques délais assez courts devaient le mettre en mesure de satisfaire à ses engagemens, les alliés, dans leur intérêt comme dans le sien, s’empressèrent de les lui accorder. Ainsi cet embarras, dont le gouvernement français s’était vivement