Lord Castlereagh et la politique extérieur de l'Angleterre de 1812 à 1822

CONFÉRENCE DE PARIS ET CONGRÈS D'AIX-LA-CHAPELLE. 137

préoccupé, ne tarda pas à disparaître; mais des difficultés politiques d’une tout autre gravité surgissaient en ce moment.

Pendant la durée même du congrès d’Aix-la-Chapelle, des élections avaient eu lieu en France, pour le renouvellement d'un cinquième de la chambre des députés. C'était la seconde application de la loi électorale votée près de deux ans auparavant, et cette nouvelle épreuve n’avait pu qu’aggraver les inquiétudes que la première avait déjà éveillées dans certains esprits. Gette fois encore, les rangs du parti ultra-royaliste avaient été fort éclaircis, et si les choses continuaient de la sorte, on pouvait prévoir le moment où il aurait à peu près disparu de l’assemblée populaire. Par malheur, à la place de ces amis compromettans, les colléges électoraux d’un trop grand nombre de départemens avaient envoyé des ennemis déclarés du trône, des révolutionnaires dont le nom et les antécédens étaient pour la royauté et pour l’Europe monarchique un véritable sujet d’effroi. A Paris même, le gouvernement n’avait pu qu'à grand’peine éviter la nomination d’un de ces hommes redoutés, en portant toutes les voix dont il disposait sur un adversaire moins violent. Presque au même moment les opérations du recrutement militaire, pratiqué pour la première fois d’après la loi libérale votée dans la dernière session, donnèrent lieu, sur plusieurs points, à des manifestations dans lesquelles on crut voir le réveil du bonapartisme et de l'esprit de guerre.

Les souverains et les ministres, qui n'avaient pas encore quitté Aix-la-Chapelle, ne dissimulèrent pas leur pénible surprise d’un tel résultat du système auquel ils avaient jusqu'alors prêté leur appui. M. de Richelieu lui-mème, qui déjà depuis quelque temps craignait de s’être laissé entraîner trop loin, manifesta plus que jamais l’intention de s’arrêter dans la voie où l’on marchait depuis le 5 sep- . tembre1816, detendre la main aux ultra-royalistes, déjà trop affaiblis pour qu’on ne dût pas compter de leur part sur plus de modération, et, avec leur appui, avec celui des hommes sages, ennemis de tous les excès, d’opposer, pendant qu’il en était temps encore, une barrière aux progrès du parti de la révolution, malheureusement aidé par d’imprudens théoriciens. Tel était le point de vue du duc de Richelieu et de quelques-uns de ses collègues; mais d’autres, parmi lesquels M. Decazes tenait le premier rang, crurent qu’il ne serait pas sans danger d’aller chercher des auxiliaires dans le parti même qu'on avait si longtemps et si vivement combattu, qu’une pareille alliance, en jetant l'alarme dans la masse de la nation encore tout animée des frayeurs et des ressentimens que lui avait inspirés le régime de-1815, donnerait aux agitateurs de la démocratie des prétextes spécieux pour remuer les esprits, et que le meilleur moyen