Louis XVI et la Révolution

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faire gaie et presque plaisante. Il en avait paru touché. » Encore cet amour de l'esprit est-il fâcheux. Maurepas croit sortir d’une situation gênante par une plaisanterie. Son triomphe en ce genre, c’est la nomination d’Amelot, considéré comme très ordinaire : « On ne dira pas que j'ai pris celui-là pour son esprit. » $e rendant compte au fond de sa propre valeur, il aime à s’entourer de médiocrités qui rempliront très mal leur place, mais qui ne lui prendront pas la sienne. Quiconque a du mérite devient par cela même son ennemi : Necker lui est si odieux que, du coup, Maurepas se sent capable d’un acte d'énergie pour le faire tomber. Au moment où il est question de l'entrée de son rival au conseil, Maurepas se rend chez Louis XVI; au nom des autres ministres, il lui déclare qu'ils donneront tous leur démission si Necker est nommé. Il aurait même fait pis, au témoignage de M®* Campan: le gentilhomme aurait, pour achever .son ennemi, commis un faux. Chargé de remettre au roi une lettre de Necker demandant à Louis XVI une grâce qui prouvât son crédit, et priant le roi de choisir entre cinq choses à lui accorder, Maurepas change les ox en ef, ce qui fait d’une. supplique raisonnable une outrecuidante prétention. Tel est l'homme qui est devenu le maître du roi. Louis XVI, écrit Mercy le 17 juillet 1778, « s’est tellement laissé subjuguer par le comte de Maurepas, qu'il n’a ni la volonté ni la force de marquer à ce ministre une opinion propre sur les affaires ». Les chansonniers, comme il est naturel, disent la même chose, moins respectueusement :

Du mentor de la France Chantons à l'unisson La sublime influence Qu'il a sur son poupon.

Au fond pourtant, le roi se défie de Maurepas, et le fait surveiller par une sorte de ministère occulte, mais sans aller plus loin que la défiance. Il le subit, et c’est en fin de compte