Louis XVI et la Révolution

LA COUR. 91

sur le malheureux roi que retombent toutes les fautes du ministre.

Quant à la reine, Maurepas est son ennemi, d’abord comme premier ministre : c’est un peu une tradition en France, et jamais reine n’a été plus dangereuse pour le mentor d’un roi. Jaloux du crédit de Marie-Antoinette, tantôt Maurepas essaye de biaiser avec elle, de la dégoûter des affaires par des fins de non-recevoir et des réponses vagues ; tantôt il tâche à lui susciter des ennemis, à la brouiller avec tel ou tel ministre. Au moment où le comte de Vergennes veut faire présenter sa femme, veuve d’un simple marchand, la chose souffrant des difficultés, Maurepas et son parti s’occupent à faire croire que c'est la reine qui s’oppose à cette présentation. Maurepas va plus loin : s'il n’essaye pas directement de pervertir MarieAntoinette, il rassure le roi alarmé des légèretés de sa femme, et pousse ainsi la reine sur une pente où elle ne s’engage que trop d’elle-même : « J’eus, dit M®° Campan, la certitude que le roi parla en présence de deux de ses plus intimes serviteurs, à M. de Maurepas, du danger qu’il voyait pour la reine dans ses promenades de nuit sur la terrasse de Versailles, le public se permettant de les blâmer hautement. Le vieux ministre eut la cruelle politique de répondre au roi qu'il fallait la laisser faire ; qu'elle avait de l'esprit, que ses amis avaient beaucoup d’ambition et désiraient la voir se mêler des affaires, et qu'il n’y avait pas de mal de lui laisser prendre un caractère de légèreté. » Ainsi, déconsidérant auprès de l'opinion publique le roi, par son ambition sénile, la reine, par sa machiavélique indulgence, Maurepas est personnellement haï pour sa coupable légèreté, au point que sa mort est regardée comme un bonheur pour le pays, bonheur égal à la naissance d’un fils de France. On trouve, en effet, dans le Recueil Clairambault, cette pensée, sous forme de distique :

O France, applaudis-toi, triomphe de ton sort : Un dauphin vient de naître, et Maurepas est mort.