Louis XVI et la Révolution

LA COUR. 95

Plus corrompue que sous Louis XIV, la cour a été gâtée par la dernière maîtresse de Louis XV, qui a su s’y faire un parti, les Barriens. Comme le dit énergiquement Besenval, « cette créature, qu’on qualifia du titre de comtesse du Barry, attira à sa suite une foule de gens sans mœurs, d’espions et de fripons en tout genre, qui s’emparèrent de Versailles ». La comtesse part, mais ses créatures restent. La cour est abandonnée par presque tous les gens honnêtes, et donne le spectacle le plus démoralisant qu'on ait jamais vu en France : « Quand Louis XVI monta au trône, dit le secrétaire des commandements de Marie-Antoinette, il commença à régner sur la cour la plus corrompue, la plus immorale, la plus malhonnète de l’Europe. Le vice seul y était en honneur. » Si l’on ne trouve pas l'autorité d’Augeard suffisante, voici une déposition accablante, d’un témoin irrécusable, le marquis de Bouillé : « On remarquait encore quelques grands noms à la cour, qui rappelaient le souvenir des grands personnages qui les avaient illustrés, mais qui, trop souvent, étaient avilis par les vices de ceux qui en avaient hérité. » Pour n’en citer qu'un seul exemple, la personne qui fait autorité, et qui donne encore le ton à la société, au grand scandale de l’honnête baronne d’Oberkirch, c’est la maréchale de Luxembourg. Aussi ne respecte-t-on plus rien, pas même le palais. Un jeune comte a sauté précipitamment de la fenêtre d'une duchesse logée à Versailles; le roi, qui ne comprend pas l'insulte qu’on fait à son toit, trouve la chose plaisante et fait de l'esprit, il dit en riant : « Puisqu’il faut absolument que nous soyons entourés de catins, qu’au moins on les loge toutes au rez-de-chaussée, afin qu’on ne coure pas le risque de se casser le cou si, en allant les voir, on est obligé de passer par la fenêtre. » Même de très honnêtes femmes ne craignent pas d’aller visiter en partie de plaisir la petite maison de Me Dervieux. Quant aux autres, elles se livrent à des scandales de toute nature, contre nature même. La démoralisation est