Louis XVI et la Révolution

LA COUR. 413

désordre, une liberté de critique, que Besenval trouve bien éloignés du respect et de la soumission qu’il a vus dans sa jeunesse pour le roi. Et voici justement comment l’on parle chez lui du gouvernement, en avril 1789 : « Cette nuit, dit Gouverneur Morris, à un souper chez le baron de Besenval, nous entendons une grande discussion sur les troubles causés par la disette. Ils font plaisir à la compagnie qui se trouve réunie là, car tout le monde est l'ennemi de l'administration actuelle. » Par une contradiction flagrante, les mêmes hommes qui déclament contre la première tentative de réformes vont, pour le plaisir de fronder le pouvoir et de courtiser l'opinion publique, réclamer les états généraux, acclamer leur convocation, suivre avec passion les débats du tiers : « Jusqu'à la séance royale du 21 juin, dit le comte d'Hézecques, l'engouement continua. Les plus fidèles serviteurs du roi ne se lassaient point d’aller entendre à la salle du tiers état, seule assez grande pour admettre le publie, les motions et les discours des orateurs les plus célèbres. Chacun admirait la véhémence de Mirabeau, l’éloquence de Barnave; on s’arrachait tous les pamphlets que chaque jour voyait éclore. » C’est, en attendant l'émigration, une première et véritable désertion. à l'intérieur.

L’indiscipline règne surtout dans l’armée, et l'exemple est donné par les officiers aux soldats, qui plus tard le retourneront contre leurs supérieurs. Ils y seront du reste poussés par leurs chefs eux-mêmes : « Les aristocrates, dit Ferrières en juillet 1790, travaillaient à augmenter le désordre et achevaient de désorganiser l’armée, ordonnant aux officiers d’user envers les soldats, tantôt d’une indulgence coupable, tantôt d’une sévérité outrée, afin de les dégoüter du service, et d'opérer une désertion générale avant le rétablissement du nouveau Code militaire. » Aussi les nobles sont-ils mécontents du marquis de Bouillé, qui rétablit l'ordre à Nancy : « J'ai le plaisir, lui écrit La Fayette, de vous apprendre que les aristo-

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