Louis XVI et la Révolution

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crates vous ont retiré leur incommode amitié, depuis que vous avez sauvé la patrie à Nancy. » En 1788, le duc de Sully, colonel de Royal-Piémont, refuse de faire marcher ses hommes contre Melun révolté. Trois ans auparavant, les maréchaux de France on résisté ouvertement au ministre de la guerre, qui voulait les astreindre à résider dans leurs commandements. Du haut en bas de la hiérarchie, l’esprit de subordination à disparu. Le meilleur officier de l’armée, le marquis de Bouillé, désobéit lui-mème, et impunément. Pendant une diselte, on lui interdit d'ouvrir au peuple les magasins militaires : « Je pris néanmoins le parti, raconte Bouillé lui-même, malgré la défense de la cour, de distribuer des blés, et je fus ensuite approuvé. » Un lieutenant, furieux de voir un nouveau venu nommé au grade de capitaine sur lequel il comptait, va provoquer son supérieur, et le blesse d’un coup de pistolet. Ailleurs, c’est tout un corps d'officiers qui se révolte contre son colonel, l’insulte, au point, dit-on, de lui arracher sa croix de Saint-Louis. Il en est de même dans l’armée de mer. Les officiers nobles s’indignent de voir introduire dans le grand corps des roturiers de la marine marchande ; de là des querelles, des duels, des blessés, des morts. Le duc de Chartres a beau inviter les deux camps à sa table, l’orgueil de caste est plus fort que le patriotisme. Mème devant l'ennemi, les jalousies particulières ne cèdent pas au devoir. M. de Bougainville résiste au commandant de son escadre, et il a pour lui tout le monde, sauf le roi et le ministre de la marine : il sera donc probablement vainqueur dans ce conflit, se dit-on. Le comte de Grasse est trahi par la plupart des commandants de sa flotte; l’un d’eux va jusqu'à prononcer ce mot, qui montre l'étendue du mal : « Il faut faire éprouver à cet hommelà toute la rage, tout le désespoir d'un général, lorsqu'il n’est pas secondé. » Que peut-on attendre, du reste, d’un corps d'officiers où l’on nomme pour commander un régiment de véritables enfants, ceux qu'on appelle alors des colonels à la bavette ?