Louis XVI et la Révolution

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l'a été pendant cet hiver. » L'année suivante, même au jour de l'an, on n’y trouve plus la moitié du monde que l’on y voyait autrefois. « Le grand ménage va toujours très froidement, constate la Correspondance secrète. La reine a couru après tous les plaisirs ce carnaval, ne s’est guère amusée à ses bals, qui ont été tristes et presque déserts. » La reine a beau s'ingénier à rappeler cette aristocratie qui l’abandonne, rien n’y fait: Marie-Antoinette se sent personnellement délaissée par la noblesse qui loge à Paris : « La reine, écrit Mercy le 17 janvier 1778, en parait quelquefois un peu surprise et choquée ; mais il lui avait été représenté depuis bien longtemps ce qui devait en arriver à cet égard, dès lors qu'il s’établirait à Versailles une sorte de société qui, en s’appropriant tous les agréments de la cour, en exclurait le reste de la grande noblesse, et la mettrait dans le cas de se refuser à tout ce qui lui paraîtrait purement gênant, » La reine a beau, pour remédier à cette froideur, fixer trois jours par semaine, où on serait sûr de pouvoir lui faire sa cour à l'heure de son diner, et le soir à son jeu : « Quoique cette décision, dit Mercy, soit prononcée et connue depuis trois semaines, il n’en est pas venu plus de monde à Versailles ; la reine en a paru choquée. » On ne se gène guère plus du reste pour le roi lui-même : le jour de sa fête, il manque la moitié des courtisans. La comtesse de la Marck écrit en 1779 : « La cour est toujours la même, personne n'y va. » En 1786 on est obligé de prendre des mesures : tous les grands officiers du roi et des princes seront obligés de résider à Versailles : « On peuplera ainsi, dit la Correspondance secrète, cet OEil-de-Bœuf et cette galerie qui étaient déserts. » C’est ainsi que la noblesse de cour préludait à cette désertion finale qui s’appellera l’émigration. Même au moment du danger commun, l’union des cœurs ne se fera pas : le divorce a été trop long.

C'est dans la noblesse de province, élevée loin de la cour, loin du trône, que l’on pouvait encore trouver une affection