Louis XVI et la Révolution

LA COUR. . 125

sincère sinon pour la royauté, du moins pour la personne même des souverains. M"° Campan en donne la preuve en racontant une scène réellement attendrissante. En 1790, à Saint-Cloud, la reine entend sous ses fenêtres comme un murmure confus; c’est une cinquantaine de personnes, jeunes filles, vieilles femmes, prêtres, vieux chevaliers de Saint-Louis, jeunes chevaliers de Malte, tous courtisans du malheur, et qui, à voix basse, disent à leur reine : « Ayez du courage, Madame, les bons Français souffrent pour vous et avec vous ; ils prient pour vous, le Ciel les exaucera ; nous vous aimons, nous révérons notre vertueux roi... — La reine fondait en larmes. » Marie-Antoinette trouvait enfin là la vraie noblesse française, elle qui n'avait vu jusque-là que des courtisans. Elle pouvait comparer et juger à leur véritable valeur ceux qui s'étaient interposés entre la royauté et le peuple, ceux qui avaient réussi à lui aliéner l'esprit, sinon le cœur de la noblesse de province; le meilleur représentant des gentilshommes provinciaux ne le cache pas : « On était si las de la cour et des ministres que la plupart des nobles étaient ce qu’on a appelé depuis démocrates », dit le marquis de Ferrières. La chose est si vraie qu’un émigré, un membre de la coterie Polignac, justifie presque ces sentiments nouveaux. Le comte de Vaudreuil reconnaît, dans une lettre au comte d'Artois, le 9 octobre 1790, que Louis XVI avait abandonné son autorité à l'archevêque de Sens, que celui-ci en avait voulu faire un criminel usage : « Les actes de despotisme de ce malheureux sont encore présents à la mémoire et, il faut en convenir, le roi devenait despote, si la révolution ne s'était pas entamée. »