Louis XVI et la Révolution

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règne est-il passé. La reine a fini par juger à sa valeur l'esprit de la princesse. Un jour l'abbé de Vermond prétendait que la réputation « de bêtise » de M"° de Lamballe irait en augmentant, la reine en couvient, et en a cité des preuves que son interlocuteur lui-même ignorait. Du moins la princesse a une excuse : elle demande beaucoup à sa protectrice, mais elle l'aime réellement, et le prouvera plus tard. L'autre favorite, M°° de Polignac, exploite froidement la reine, en attendant qu'elle l’abandonne, sitôt que le temps tournera à l'orage. Pour le moment, comme elle dirige la reine, qui conduit le roi, c'est M” de Polignac en réalité qui gouverne la France. Mercy constate avec dépit qu’en 1778 «la seule favorite comtesse de Polignac est en possession du droit de conduire la reine à peu près comme elle veut. » Elle-même est exploitée par toute une bande qui lui dicte sa conduite dans les moindres détails, et qui sait irriter à temps et à point l'affection de la reine. On lui dicte une lettre à Marie-Antoinette, où elle lui expose la triste nécessité où elle est de quitter la cour, à cause de la médiocrité de sa fortune. « Le lendemain, ajoute M Campan, quand je montai au château, je trouvai la Reine tenant une lettre qu'elle lisait avec attendrissement : c'était la lettre de la comtesse Jules ; la Reine me la montra. Cette mesure eut tout l'effet qu'on en avait attendu. » C’est encore la camarilla qui force M de Polignac, malgré une certaine indolence naturelle, à accepter des charges honorifiques et lucratives. Besenval, par exemple, raconte tout au long comment il l’a fait nommer gouvernante des enfants de France, malgré elle. Rien ne lui manque de tout ce qui peut rendre publique, presque scandaleuse, la faveur dont elle jouit. Au moment des couches de la favorite, la reine entraine tout Versailles à sa suite, pour se trouver plus près de son amie. L’anecdote est racontée, avec une raillerie voilée, dans les Nouvelles de Paris et Versailles : « Toute la cour est actuellement à la Muette pour vaquer plus facilement aux soins qu’elle doit à M Jules, qui est accouchée