Mémoire sur la Bastille

LINGUET 57

moins, au défaut de la justice, si une politique éclairée, avoient pu quelque chose sur l’esprit des ministres, d'essayer ce que pourroit l’indulgence sur le mien, sur cette âme indomptable dont ils prétendoient avoir été forcés de punir les écarts avec tant d'éclat ? Je n’ai cessé de le répéter dans les mille et un mémoires que j’ai soupirés du fond de la Bastille ; je ne connoïssois encore ma patrie que par ses rigueurs, et je l’avois adorée; quelle auroit été mon idolâtrie à l'instant où, abjurant une prévention injuste et des caprices cruels, on lui auroit permis de me tendre les bras; où à ce sentiment que les duretés n’avoient pas altéré j'aurois pu joindre celui de la reconnoissance pour un premier bienfaitt; où, rentré dans tous les

1. Ce mot comporte un éclaircissement que je ne puis renvoyer aux Notes : il est trop important pour moi qu’on ne le perde pas de vue.

Parmi les absurdités et les mensonges sans nombre dont mon infortune, comme c’est l’usage, m’a rendu l’objet, on en a glissé une qu'il ne m'est pas permis de mépriser : on a dit, on a écrit, on a imprimé que le ministère de France avoit sur moi des droits d’autant plus forts que j’en recevois une pension de deux mille écus.

Je suis obligé de déclarer qu'il n°y a jamais eu d’imposture plus impudente, Il est inconcevable qu'on l’ait hasardée postérieurement au 27 septembre 1780, après ce que j'avois dit en août précédent, n° LXIX des Annales, page 296: È

« Il n’y a qu’un seul des rois de l’Europe envers qui le respect, l’attachement, la fidélité, soient pour moi des

8