Mémoire sur la Bastille

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droits du reste de la famille, j’aurois pu me dire à moi-même : « Des préjugés fâcheux m'ont nui, eh

devoirs ; un seul de qui j'eusse pu accepter les bienfaits sans rougir, et sans scrupule. Or, celui-là je ne lui ai jamais demandé, je ne lui demanderai jamais que justice. »

Il ne s’agit pas ici de la réponse que l’on a faite à cette demande, mais il est clair que l’homme qui tenoit ce langage publiquement, dans un ouvrage imprimé, n’étoit pas pensionné.

Les seules marques d'attention que j'aie reçues dans ma vie du ministère de France sont trois lettres de cachet : lune de Bastille et deux d’exil, dont la première étoit la punition d’avoir défendu, comme avocat, M. de Bellegarde, condamné solennellement, reconnu innocent trois ans après. .

Les autres affaires que j’ai traitées, soit comme jurisconsulte, soit simplement comme homme de lettres, ne m’ont pas toutes valu des distinctions aussi flatteuses, mais il n'y en a pas une dont l’ingratitude des cliens que je sauvois, les prévarications des tribunaux que je forçois d’être justes,

_la stupidité ou la corruption des hommes en place que je démasquois, n’aient empoisonné pour moi le succès.

Il n'y a point d'amour-propre à dire que le barreau et la littérature n'ont point produit d'homme dont la vie ait été semée d’anecdotes plus incroyables en ce genre, depuis la défense de M. le duc d’Aiguillon jusqu’à mes réflexions sur celle de M. de Lally.

J'oserai dire plus, quand on devroit m’accuser d’amourpropre et réveiller les anciens cris d’égoïsme : il n’y a pas eu d'écrivain dont le zèle ait été plus pur, l’âme plus inaccessible au manège en tout genre, comme aux considérations personnelles, les foibles talens plus exclusivement dévoués à la défense de la justice, à la manifestation de la vérité; et il y paroît aux fruits que j’en ai tirés.

Puisque j'ai parlé ici de l’exil occasionné par la défense de M. de Bellegarde, je dois rendre hommage à la généro-