Mémoire sur la Bastille

80 MÉMOIRES SUR LA BASTILLE

tiel. Six de ces allumettes composent la provision de vingt-quatre heures pour un habitant de la Bastille. On demandera ce qu’ils font quand elle est disparue : ils font ce que leur conseille, en propres termes, l’honnête gouverneur : ils souffrent. (Voyez ci-après la note 29, page 175.)

Les meubles sont dignes du jour qui les éclaire et de l’habitation qu'ils doivent décorer; il est bon d’avertir d’abord que, par son forfait avec le ministère, le gouverneur doit les fournir et les entretenir à ses dépens; c’est une des très petites charges attachées à son immense revenu, dont je parlerai bientôt. Il peut s’excuser des incommodités du séjour, parce qu’il ne peut pas changer la situation des lieux ; il peut pallier l’odieuse lésinerie, dont je viens de parler, qu’il exerce sur la consommation du bois, sous prétexte qu’elle tend à épargner de la dépense au roi. Mais sur l’article des meubles, qui ne regardent que lui et qui lui sont payés, il n’a ni excuses, ni palliatif. Ses épargnes en ce genre sont nécessairement tout à la fois un vol et une cruauté.

Or, deux matelas rongés des vers, un fauteuil de canne dont le siège ne tenoit qu'avec des ficelles, une table pliante, une cruche pour l’eau, deux pots de faïence, dont un pour boire, et deux pavés pour soutenir le feu, voilà l'inventaire, du moins