Mémoire sur la Bastille

LINGUET 85

correspondances intérieures entre leurs victimes qu’à interdire toute espèce d’épanchemens au dehors. La Porte et d’autres parlent du commerce qu’ils entretenoient avec leurs voisins par des cheminées !, etc.

Encore une fois, cela pouvoit être de leur temps : aujourd’hui les tuyaux des cheminées sont traversés, comme les fenêtres, dans leur longueur, de trois grilles les unes au-dessous des autres, dont la première commence à trois pieds du foyer, et leur embouchure s'élève à plusieurs pieds audessus de la terrasse2. Les privés, soulagement très rare, car je crois qu’il n’y a dans tout le chàteau que deux chambres qui en soient douées, sont pourvus de la même garniture. Une grande partie

1. La Porte ne parle point de ces cheminées communicantes; on voit, par ses Mémoires (p. 168), que la complicité du commandeur de Jars et la « charité » des prisonniers qui étaient au-dessus de sa chambre lui permirent de percer ou de faire percer une suite de trous alignés jusqu’à la plate-forme; c’est ainsi qu’il put recevoir et faire passer des billets,

2. L'auteur anonyme des Observations sur l'histoire de la Bastille (Londres, 1783) s'attache à réfuter ce qu’il nomme les « mille et un mensonges » de l’auteur, relativement au régime des prisonniers. Il tombe cependant d’accord avec Linguet sur la rigueur absolue du secret où ils étaient tenus; et il en conclut même que, sous le nom de mémoires de la Bastille, il est impossible à un « bastillien » d'écrire autre chose que les mémoires de sa chambre.