Mémoire sur la Bastille

86 MÉMOIRES SUR LA BASTILLE

des chambres est voûtée, les autres ont des planchers doubles.

Quand on juge à propos de faire descendre un captif, soit pour un interrogatoire, s’il est assez heureux pour en subir; soit pour voir le médecin, s’il n’est pas assez malade pour être obligé de l’attendre dans sa caverne; soit pour la prétendue promenade dont je parlerai tout à l'heure; soit par un simple caprice du gouverneur : il ne trouve partout que le silence, des déserts, et l’obscurité. Un croassement funèbre du porte-clefs qui le guide fait disparoître tout ce qui peut le voir ou être vu de lui. Les fenêtres du corps de logis où se recèle l’état-major, où sont les cuisines, où sont admis les étrangers, se cuirassent à l'instant de rideaux, de volets, de jalousies, et l’on a la cruauté de ne procéder à cette opération que quand il est à portée de s’en apercevoir. Ainsi tout lui rappelle qu’à deux pieds de lui il y a des hommes, et des hommes qu'il auroit grand intérêt de voir, puisqu’on apporte un si grand soin à les lui cacher : ce qui multiplie ses angoisses en raison de ses attachemens.

J’ai cru longtemps que j’avois pour commensale une personne dont la conservation pouvoit seule me consoler de mes autres pertes, et par les fers de laquelle on y auroit en effet mis le comble, si l’on avoit pu tromper sa vigilance. Les réponses