Mémoire sur la Bastille

88 MÉMOIRES SUR LA BASTILLE

Les pauvres gens y trouvèrent une bien autre servitude que celle de leurs nègres : ils y furent huit mois, sans savoir ce qu’étoit devenu chacun d'eux; et cependant on leur faisoit leur procès : en définitive ils ont été reconnus innocens, et ils n’ont eu d’autre indemnité que la permission d’aller reprendre leurs places.

Mais, si l’on est si soigneux d'empêcher les captifs soit de correspondre entre eux, soit même de se connoître, on ne songe point du tout à leur dissimuler qu’ils ne sont pas seuls. Ces planchers doubles, ces voûtes impénétrables aux consolations, rendent fidèlement les indices par lesquels un infortuné qui souffre est averti qu’il a au-dessus ou au-dessous de lui un autre infortuné non moins à plaindre. Les portes, les clefs, ne sont pas plus muettes, ainsi que les verrous. Le fracas des unes, le cliquetis des autres, Le lourd roulement des troisièmes, retentissent au loin dans les volutes de pierre qui forment les escaliers, et se propagent d’une manière effrayante dans le vide immense

litairement le 7 mars 1769. Un nouveau conseil fut installé ; les membres de l’ancien furent transportés au ChâteauTrompette, puis à la Bastille, où ils demeurèrent six mois; enfin on les ramena des prisons de Rochefort à Saint-Domingue. Le nouveau conseil prononça contre eux, le 8 février 1771, des admonestations. Huit habitants, convaincus de rébellion armée, furent condamnés à mort. (Mémoires historiques sur la Bastille, t. III, p. 258.)