Mémoire sur la Bastille

98 MÉMOIRES SUR LA BASTILLE

Enfin, de plus, on a accordé au gouverneur le privilège de faire entrer dans ses caves près de cent pièces de vin franches de tous droits, ce qui fait encore un objet considérable qui devroit sans doute faciliter et assurer le service de ses tables.

Que fait-il? Il vend son droit d’entrée à un cabaretier de Paris, nommé Joli, qui lui en rend 2,000 écus; il lui prend en échange du vin du plus bas prix pour l’usage des prisonniers, et ce vin, comme on s’en doute bien, n’est que du vinaigre. Il regarde la fondation annuelle des ro francs par jour comme un revenu fixe de sa place, duquel il ne doit aucun compte, et qui n’a rien de commun avec ses écots; il n’y emploie que cet excédent, cet extraordinaire que la libéralité du prince n’a destiné qu’à les augmenter ; et cet excédent même, il se garde bien de le consommer en entier. Les détails à ce sujet ne sont pas nobles, mais ils n’en méritent pas moins d’être connus. Il y a des prisonniers à la Bastille à qui on ne sert que quatre onces de viande par repas. Les portions ont été pesées plusieurs fois. C’est un fait connu de tous les subalternes, qui en gémissent (26) ; rien de plus facile à vérifier dès qu'on voudra garantir du ressentiment du chef les inférieurs qui peuvent démasquer sa sordide avarice.

Il y a des tables moins dénuées; je l’avoue, la mienne étoit du nombre. Est-ce un mal, est-ce un