Mémoire sur la Bastille

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qui rend ces retraites si douloureuses, se relâche même pendant ces courtes absences. D’abord on conçoit quelle promenade ce peut être qu’un semblable espace, sans abri quand il pleut, où l’on n’éprouve des élémens extérieurs que ce qu’ils ont de fâcheux; où, dans l’apparence d’une ombre de liberté, les sentinelles dont on est entouré, le silence universel, et l’aspect de l'horloge à laquelle seule il est permis de le rompre, ne rappellent que trop la servitude.

C’est une remarque curieuse. L’horloge du château donne sur cette cour; on ÿ a pratiqué un beau cadran; mais devinera-t-on quel en est l’ornement, quelle décoration l’on y a jointe? Des fers parfaitement sculptés. Il a pour support deux figures enchaînées par le col, par les mains, par les pieds, par le milieu du corps; les deux bouts de ces ingénieuses guirlandes, après ayoir couru tout autour du cartel, reviennent sur le devant former un nœud énorme; et, pour prouver qu’elles menacent également les deux sexes, l'artiste, guidé par le génie du lieu, ou par des ordres précis, a eu grand soin de modeler un homme et une femme. Voilà le spectacle dont les yeux d’un prisonnier qui se promène sont récréés. Une grande inscription, gravée en lettres d’or sur un marbre noir, lui apprend qu’il en est redevable à M. Raymond Gualbert de Sartines, etc. (28).