Mémoire sur la Bastille

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de toutes celles qu’il lui soit permis d'employer contre les coupables qu’elle doit convaincre. Le secret, c’est-à-dire une réclusion absolue, n’a lieu que dans les courts intervalles où elle craint que des relations extérieures ne portent jusqu’à l’accusé des lumières favorables au crime : il est motivé par la situation des lieux, et plus encore par les égards pour l'humanité, qui, laissant à tous les prisonniers une libre communication entre eux, ne permet de la suspendre envers un seul qu’en l’isolant pour le moment, en le tenant hors de la portée des autres, tant que dure le motif de la suspension ; il faut bien interdire Ja promenade à celui-là seul, si l’on ne veut pas l’enlever à tous.

Et encore cette inaction passagère est bien adoucie pour lui, surtout s’il est innocent, par les progrès de l'instruction; il voit ses juges, ses accusateurs, ses témoins; il sait ce qu’on lui objecte ; tant qu’on l’interroge, tant qu’on le confronte, il n’est pas seul ; et, quand il sort d’un de ces combats, la solitude qui les sépare lui devient précieuse, nécessaire même, pour se disposer à en soutenir un second.

Mais, à la Bastille, aucun de ces motifs où de ces soulagemens ne peut avoir lieu. Le secret ÿ est perpétuel : toutes les promenades sont solitaires comme la demeure; elles ne peuvent donc apporter aucun obstacle au succès de l'instruction,