Mémoire sur la Bastille

LINGUET JITI

quand il y en a une, à sa facilité, à son impénétrabilité. Dans ce cas même, les prohiber arbitrairement, priver un prisonnier de la seule minute du jour où il puisse lever ses yeux noyés de larmes vers le soleil qui semble le fuir, ce seroit l'excès de l'injustice comme de la cruauté.

Qu’est-ce donc quand il n’y a pas d'instruction, encore une fois; quand cette prohibition tombe sur des hommes contre qui la haine et la vengeance ne peuvent même trouver le prétexte d’une procédure; quand elle est soutenue des mois entiers ; quand elle dépend des caprices d’un satellite aussi lâche que barbare, qui, tout fier de pouvoir impunément outrager dans son fort des hommes honnêtes, ne se croit honoré que quand il insulte à leurs misères et puissant que quand il les déchire ?

On dira que ces dernières particularités tiennent au caractère des chefs actuels plutôt qu’à la constitution fondamentale de la maison. Cela est vrai : elle auroit bien assez de croix par elle-même quand un caprice passager n’y ajouteroit pas celles-là ; mais il les y ajoute : aussi ai-je annoncé d’avance que depuis peu d’années les barbaries de la Bastille s’étoient accrues. Autrefois on s’occupoit des prisonniers ; aujourd’hui l’on s’en joue.

Et, ce qui paroîtra peut-être bien étrange, les additions ou inhumaïines ou honteuses dont on enrichit ce régime déjà si honteux, si inhumain par