Mémoire sur la Bastille

LINGUET 115

on fût entendu, ou que les gens, une fois couchés, youlussent entendre.

Il y a cependant, pour ceux à qui le mal auroit laissé l’usage de la voix et des jambes, un moyen d’appeler du secours. Le fossé qui enveloppe le château n'a qu'environ cent cinquante pieds de large; le revêtement du côté opposé est couronné d’une galerie qu’on appelle le chemin des rondes, où sont établies des sentinelles; les fenêtres donnent sur ce fossé; il n’est pas impossible au malade de crier à l’aide; et si la grille intérieure qui bouche son soupirail, comme on l’a vu, n’est pas trop avancée en dedans, s’il a la voix forte, s’il ne fait pas de vent, si la sentinelle ne dort pas, il n’est pas impossible qu’il soit entendu.

Alors le soldat crie à son voisin, qui crie plus loin. L’alarme, en circulant, arrive au corps de garde : le caporal de service vient voir ce qu’il ya; instruit de quelle fenêtre est parti le gémissement, il retourne passer par la porte, ce qui consume du temps; il entre dans l’intérieur; il va réveiller un porte-clefs, qui va réveiller le laquais du lieutenant de roi, qui va réveiller son maître, pour avoir la clef, car toutes, sans exception, sont déposées chaque soir chez cet officier. Il n’y a point de place de guerre où le service soit plus régulier qu’à la Bastille; et à qui fait-on la guerre?

On cherche la clef, on la trouve. Il faut encore